La réserve naturelle régionale du massif du Saint Barthélémy compte parmi ses richesses écologiques un cortège de tourbières de montagne.
Les tourbières, quèsaco ?
Les tourbières se caractérisent par un sol saturé en permanence par une eau stagnante (ou très peu mobile), privant les micro-organismes de l’oxygène nécessaire à leur métabolisme. Dans ces conditions asphyxiantes, la litière végétale ne se minéralise que très lentement et très partiellement. Elle s’accumule alors, progressivement, formant un dépôt de matière organique mal ou non décomposée : la tourbe.
Ces zones humides jouent un rôle important dans la régulation du cycle de l’eau et sa qualité. Ces milieux très particuliers abritent une biodiversité inféodée à la présence de l’eau et adaptée à l’acidité du milieu. Comprendre le fonctionnement de ces tourbières de montagne est donc un enjeu d’importance pour les préserver au mieux.
Le système d’alimentation en eau est au cœur de cette question. D’où vient l’eau des tourbières du massif de Saint Barthélémy ? De la pluie, de la neige, des nappes souterraines ou des cours d’eau de surface ? Comment se stocke-t-elle et s’écoule-telle ? Y at-il un effet tampon où les niveaux d’eau réagissent-ils instantanément aux précipitations ? Y a-t-il un risque de déficit et une menace sur ces milieux avec les évolutions en cours (sécheresses, changement climatique, activités humaines…) ?
Pour plonger au cœur de ces questions, trois sites ont été équipés de piézomètres qui permettent de mesurer les hauteurs d’eau et leurs variations. Les piézomètres sont des tubes contenant une sonde insérés dans la tourbe. Des mesures de pression permettent de calculer les hauteurs d’eau. L’objectif est de pouvoir comparer ces mesures aux conditions météorologiques (épisodes, pluvieux, fonte de la neige), et régimes de cours d’eau, dans le but de comprendre la réactivité de la nappe d’eau des tourbières.
Les sites étudiés illustrent différents types de tourbières présents dans le massif et plus généralement en montagne :
– la tourbière de la Grenouillère, grande tourbière complexe située dans un ancien lac glaciaire (1600m).
-la tourbière bombée dans le cirque du Soularac (2000m),
– le bas marais acide du Lasset d’en Haut (1400m), en rive droite du Lasset.
L’installation des piézomètres et l’étude des données ont été confiées au bureau d’études AGERIN en 2019. Après une année de recueil de données, il est difficile d’affirmer des conclusions, mais certaines tendances, propre à chacun des sites, se dessinent tout de même.
Si l’on s’intéresse à la tourbière de la Grenouillère, elle est située dans une cuvette lacustre en cours de colonisation par la végétation. La zone qui l’alimente constitue en vaste bassin qui collecte les ruissellements des eaux de pluie. Les mesures montrent que les niveaux d’eau augmentent directement après chaque pluie. Ce fonctionnement peut paraître évident, mais il faut savoir qu’avec un fond de lac « étanche » (vaseux) et un ruisseau qui s’y jette, la question de son alimentation principale en eau peut se poser.
– La tourbière bombée est une zone humide directement dépendante des précipitations, notamment sous forme de neige. Son bassin d’alimentation est assez réduit et elle ne conserve que peu d’eau liquide comparée à la Grenouillère. Située à plus de 2000 mètres d’altitude, la flore qui la compose est dépendant d’une bonne durée d’enneigement annuel. Le stock de neige permet également une restitution progressive d’eau de fonte. Elle est donc directement menacée par les changements climatiques actuellement mesurés.
– Les zones humides environnant le cours d’eau du Lasset sont liées aux écoulements des versants (sources et ruissellement), et sont également connectées avec les eaux du Lasset sur sa partie amont. Ce système de zones humides accompagne naturellement la plupart des cours d’eau (non canalisés et non aménagés).
Cette première collecte de données sur l’alimentation en eau des tourbières a permis de dresser un début d’état des lieux de leur fonctionnement, attendu ou non. L’intérêt de la poursuite de ce travail réside dans sa pérennisation, qui permettra d’une part de mieux les comprendre, et surtout de suivre leurs évolutions, en lien direct avec le changement climatique.
Ce dispositif prometteur vient s’ajouter à d’autres travaux en cours sur ce thème, notamment les projets de sciences participatives, pour lesquelles chacun d’entre vous peut être acteur. Par exemple, vous pourrez très prochainement collaborer à la connaissance via la mesure des hauteurs d’eau et de neige, ou l’observation des rythmes de la flore et de la faune.
Si ces projets vous intéresse, vous pouvez contacter la réserve naturelle régionale du massif du Saint Barthélémy, Xavier Pasquier (xavier.p@ariegenature.fr).
A bientôt, et bon hiver à tous.
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